Grand moment dans l'histoire de notre commune : l'inauguration de la Mairie-Ecole ce dimanche 23 octobre 1955 par Monsieur Pierre Mendès-France !!
Retrouvez dans cet article l'ensemble des évènements décrits en grande partie par les journalistes du Paris-Normandie, des photos, affiches... bref, tout ce qui se rapporte à cet évènement, à une époque où la technologie multimédia était toute autre...
(cliquez sur chaque image pour les agrandir)
L'arrivée de Pierre Mendès-France a Coudres a fait l'objet d'une délibération du conseil municipal :
Cette arrivée fait également l'objet d'un article dans la presse locale :
Ainsi que d'une invitaion officielle :
La journée est ensuite racontée par les journalistes de Paris-Normandie.
Parmi les nombreuses écoles que nous avons eu l’occasion de visiter depuis quelques semaines, celle de Coudres apparaît incontestablement comme la plus coquette et la mieux conçue. Les projets-types permettent sans doute, maintenant, une construction plus rapide et plus économique. Mais la première commune de l’Eure entièrement remembrée pourra, durant de longues années, s’enorgueillir de posséder l’une des plus belles écoles du département.
Celle-ci a été inaugurée dimanche, vers 16h30, par M. Pierre Mendès-France, ancien Président du Conseil, entouré d’un certain nombre de personnalités, qui furent accueillies par M. Louis, maire de la commune, au milieu d’une foule nombreuse.
Devant la mairie, qui s’intègre dans le groupe scolaire, les pompiers et les enfants des écoles, sous la conduite de leurs instituteurs, M et Mme G. Dubois, faisaient la haie.
Quatre bambins se détachaient du groupe pour offrir à MM. Mendès-France et Martin, conseiller général, des gerbes de fleurs. Remises à une délégation d’Anciens Combattants, celles-ci devaient ensuite être déposées au cimetière et sur la tombe de l’ancien maire, M. Collet.
Un couple de ravissants petits Normands, costumés, s’avançait à son tour pour présenter sur un coussin les ciseaux. L’ancien Président du Conseil coupait le ruban tricolore… La mairie était inaugurée !
Dans la salle des délibérations, aussi claire que spacieuse, M. Louis, maire, disait au micro combien la commune était fière d’accueillir tant de personnalités. Il rappelait toutes les difficultés rencontrées pour réaliser le groupe scolaire-mairie en remerciant tous ceux qui avaient facilité la tâche de la municipalité : M. le Préfet et ses collaborateurs ; M. Mendès-France ; l’Inspecteur primaire ; M. Martin, conseiller général.
Il adressait également les félicitations de la Municipalité à M. Ducellier, architecte, pour son « œuvre d’une sobre élégance qui fait le plus grand honneur à son art » ; remerciait les entrepreneurs pour le soin apporté dans l’exécution de leur travail et rendait un bel hommage à M. et Mme Dubois, instituteurs, dont il soulignait le dévouement, les qualités d’éducateurs et de pédagogues, l’aide précieuse et compétente qu’ils ont apportée dans la réalisation du projet.
« L’attachement de la commune à son école et à ses maîtres ne date pas d’hier, poursuivait-il. Nous assisterons tout à l’heure à la remise de la Légion d’honneur à notre ancien instituteur. M. Legendre, nous sommes heureux de vous exprimer, à l’occasion de cette haute distinction, notre profonde reconnaissance pour les services rendus à la collectivité, notre indéfectible attachement et nos félicitations les plus chaleureuses.
Je ne voudrais pas oublier non plus, dans mes remerciements, mes collègues du Conseil municipal. C’est grâce à la bonne entente qui n’a jamais cessé de régner au sein de notre assemblée communale qu’il nous a été permis d’envisager la réalisation de projets tendant à rendre notre commune plus moderne, plus agréable, plus accueillante.
Après le remembrement des terres, après l’acquisition d’une motopompe, qui a déjà permis à nos jeunes pompiers de donner toute la mesure de leur habileté et de leur promptitude, notre groupe scolaire reçoit sa consécration aujourd’hui.
Il nous reste à mener à bien les travaux actuellement en cours d’adduction d’eau et d’assainissement des terres humides.
Nous sommes persuadés que nous rencontrerons à nouveau la même sollicitude et la même compréhension, et c’est avec confiance que nous envisageons l’avenir de notre commune de Coudres. »
Cependant que la plaque de marbre marquant l’inauguration était découverte, M. Louis donnait lecture de la délibération spéciale du conseil que devaient signer les personnalités présentes
Dans la cour de l’école et sur le terrain réservé pour l’établissement d’un plateau d’évolution pour l’éducation physique, les Sapeurs-Pompiers de Coudres faisaient une démonstration de fonctionnement de la moderne motopompe dont ils viennent d’être dotés.
Immédiatement après, l’harmonie municipale de Saint-André, sous la direction du chef Lamotte jouait « La Marseillaise ».
Pour couper le second ruban tricolore de la journée qui fermait l’accès du préau, M. Mendès-France se récusait en souriant, laissant les ciseaux à M. De Montullé, Sénateur. Celui-ci faisait une distribution de bouts de ruban-souvenir fort appréciée. L’on visitait ensuite les classes, admirant leur belle ordonnance et le mobilier dont elles sont dotées. A leur extrémité, deux salles ont été prévues : l’une pour le réfectoire, l’autre pour la Télévision. Cette dernière fonctionne déjà, mettant l’école de Coudres à l’avant-garde en tous domaines.
Les personnalités se retrouvaient bientôt sous le préau de l’école, où en présence d’une bonne partie de la population, la Légion d’Honneur allait être remise à M. Legendre.
En l’absence de M. Robert, ancien maire de Jumelles qui devait être le parrain de M. Legendre et se trouve actuellement souffrant, le discours d’usage devait être lu par M. Louis. Il retraçait la carrière du récipiendaire en soulignant sa brillante conduite durant la guerre de 1914. Blessé à Notre-Dame-de-Lorette, il doit être amputé de la cuisse droite. Nommé à Coudres le 3 janvier 1918, il y restera près de 33 ans.
Des résultats magnifiques couronnent ses efforts. Sept de ses élèves sont reçus premiers du canton au certificat d’études, une autre, première du département aux Bourses nationales. Des distinctions viennent récompenser M. Legendre de ses qualités d’éducateur : il sera Officier d’Académie en 1950 et officier d’Instruction publique en 1955.
Mais M. Legendre n’est pas seulement un instituteur modèle. A cette tâche délicate et ardue s’ajoutent les fonctions de secrétaire de mairie qu’il remplit à la satisfaction générale. Cinq maires successifs apprécieront l’aide éclairée qu’il leur apportera et il restera toujours en excellents termes avec les membres du conseil municipal, tout en conservant l’intégrité de ses opinions.
Malgré le travail que lui occasionnent une classe très chargée et des affaires communales importantes comme l’électrification et l’acquisition difficile du terrain sur lequel s’élève aujourd’hui ce groupe scolaire, M. Legendre trouve encore le temps de collaborer activement à la création et au développement d’une association sportive brillante.
Mais c’est pendant la dernière guerre que M. Legendre donne toute la mesure de son courage et de son dévouement. En juin 1940, resté à son poste à la tête d’une population réduite au tiers, il est désigné comme otage. Et c’est lui qui assure, au milieu de difficultés de toutes sortes, le ravitaillement en lait, pain et viande des habitants de Coudres et d’une centaine de réfugiés.
Pendant l’occupation il s’applique à réduire les corvées et les réquisitions allemandes au strict minimum et réussit à percevoir et distribuer les indemnités aux cultivateurs. Quand il apprend qu’une formation allemande est sur le point de quitter Coudres sans payer, il n’hésite pas, bien que mutilé, à aller à bicyclette trouver les chefs pour réclamer, parfois même sous les bombardements.
Malgré les menaces des Allemands, il n’établit pas la liste des fusils et des postes de T.S.F. Il prend même la responsabilité de laisser dévaliser la mairie pour permettre à des réfractaires de Coudres d’entreposer tous les postes de T.S.F. dans un caveau désaffecté et de les remettre à leurs propriétaires à la libération.
Son courage, il le prouve encore en coopérant à l’attribution de fausses cartes d’identité et à la délivrance de tickets d’alimentation à une cinquantaine de réfractaires de la région.
Toute cette activité le signale à l’attention des services préfectoraux et, à la libération, M. le préfet le choisit comme maire. M. Legendre se résigne à remplir ces nouvelles fonctions sous réserve de les cesser à la rentrée scolaire.
C’est pour lui une occasion supplémentaire de donner la preuve de son dévouement en organisant judicieusement la vente aux habitants de Coudres, des récoltes abandonnées par les Allemands ainsi que des baraquements et hangars.
En résumé, la vie de notre ami nous offre un bel exemple de travail, d’abnégation, de civisme, de grandeur d’âme et de vertus exceptionnelles.
Tout ému, M. Legendre se met au garde à vous devant le Président. L’assistance, elle aussi, s’est figée. Dans un silence respectueux que rien ne troublera s’élève, claire, la voix de M. Mendès-France :
« Au nom du Président de la République, et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés,
André Louis Désiré Legendre, nous vous faisons chevalier de la Légion d’Honneur. »
L’accolade, l’hymne national, des applaudissements chaleureux… et bien des larmes dans tant d’yeux amis.
M. Legendre se raidit un peu : il lui faut dominer sa propre émotion. Puis il prend la parole.
Il exprime tout d’abord sa satisfaction d’avoir reçu des mains de M. Mendès France la croix de chevalier de la Légion d’Honneur.
« Mon modeste rang de citoyen dans l’échelle sociale, poursuit-il, ne m’autorise pas à porter publiquement un jugement sur l’homme d’Etat qui a bien voulu accepter d’être mon parrain. Néanmoins, que M. Mendès-France veuille bien me permettre de lui exprimer personnellement toute ma reconnaissance, en même temps que mes sentiments d’admiration et de profonde sympathie pour le rôle éminent qu’il a joué ainsi que pour les résultats brillants qu’il a obtenus lors de son trop court passage à la Présidence du Conseil. »
M. Legendre remercie ensuite M. Louis, puis il dit sa joie de recevoir cette décoration et de constater « l’attachement de tout un village envers son ancien instituteur et secrétaire ».
M. Legendre remarque cependant que s’il a fait lui-même son devoir et rien que son devoir, la population de Coudres tout entière, en particulier pendant l’occupation, n’a pas failli non plus. Et ce sont ces tourments et ces angoisses communs qui l’ont dit-il, « attaché pour toujours à ce village d’adoption ».
Enfin, il s’associe à l’inauguration de l’Ecole et rend hommage aux artisans de cette œuvre magnifique, avant d’adresser une pensée affectueuse à la mémoire de M. Gaston Collet et de remercier tous ceux qui participent à cette grande journée.
Au nom de M. l’Inspecteur d’Académie, M. Michel succède au récipiendaire :
« M. l’Inspecteur d’Académie de l’Eure, m’a spécialement détaché auprès de vous et M. l’Inspecteur primaire, retenu au loin par un deuil n’a pu être présent à cette cérémonie. Il est bien certain que ce n’est pas moi qui devrais me trouver ici, mais, sans nul doute, leur pensée à l’un et à l’autre est très près de vous.
Il m’est agréable d’apporter à l’hommage si affectueux de M. le Maire, un témoignage personnel de sympathie.
A celle de l’administration académique, permettez-moi M. Legendre, d’ajouter la mienne propre pour votre action d’éducateur, dont les yeux fixés sur tant d’horizons ne se sont pas contentés du travail fait dans la classe.
La visite que nous venons d’effectuer est un régal des yeux et des cœurs : des générations d’enfants vont profiter de ce confort, accueillis dans cette ambiance faite de beauté simple et harmonieuse ».
Et après avoir rendu hommage à l’architecte, M. Ducellier, qui a su prévoir non seulement des classes riantes, mais des locaux annexes, qui, telle la salle de télévision, les prolongent si agréablement, le Directeur de la Jeunesse et des Sports en vient à souhaiter que tous les enfants qui auront pris goût à fréquenter la maison d’école gardent après l’avoir quittée une soif de connaître qui ne s’arrête jamais et qu’ils y reviennent à l’occasion du déroulement de quelque programme éducatif.
L’orateur se félicite qu’on ait prévu le terrain des sports et le plateau d’éducation physique, car il s’agit de faire des gens instruits, il s’agit aussi de faire des gens de caractère et, avant de rendre un hommage aux maîtres et de déplorer les difficultés de recrutement rencontrées actuellement, M. Michel, se tournant vers le Président Mendès-France le remercie d’avoir, lors de son passage au gouvernement, « renversé la vapeur » en ce qui concerne les subventions et d’avoir inséré des sommes substantielles dans le budget de l’équipement scolaire.
M. Pierre Mendès-France, félicitait à son tour les réalisateurs de la mairie-école et les animateurs d’une commune qui se distingue en tous domaines en donnant l’exemple.
« J’ai, à mon tour, le devoir de vous féliciter au nom de vos parlementaires, et élus départementaux pour les bonnes réalisations que nous venons d’admirer.
Les réunions de ce genre tendent à ne plus être rares : aujourd’hui même, une dizaine de classes auront été inaugurées dans notre département et de dimanche en dimanche, des manifestations semblables viennent nous montrer les progrès accomplis.
Coudres, où je ne viens pas pour la première fois, s’est placée à l’avant-garde et si tous les maires déployaient la même activité que celui de votre commune, les parlementaires ne sauraient plus où donner de la tête.
Administrateur d’élite, il l’a classée première pour le remembrement et voici que dans les domaines les plus divers : édification d’un groupe mairie-école, nouvelle installation des services, lutte contre l’incendie, chemins, Coudres donne l’exemple.
Il est bon que nous le citions aux maires qui nous consultent sur ce qu’il y a lieu de faire devant tant de problèmes qui se posent à eux en leur disant : « Allez donc faire un tour à Coudres ».
Cette réalisation que nous inaugurons, nous savons qu’elle n’a pas vu le jour sans que beaucoup de travail ait été dépensé ; tous les administrateurs savent à quel point il faut peiner, patienter, œuvre, jour après jour, mois après mois, pour obtenir un certain nombre des résultats nécessaires, et nous mesurons ce que vous avez dû investir dans votre entreprise de patience, de dévouement et de cœur.
Vous trouverez votre joie et votre récompense dans ces enfants qui nous entourent et qui ne comprennent pas tout évidemment de ce que représente cette journée, se disant, bien sûr, qu’il s’agit de leur école neuve et qu’ils y seront bien ; mais il ne s’agit pas pour nous que de murs, de réalisations matérielles et cela ne serait rien si les maîtres ne l’animaient pas. Ces maîtres magnifiques dont l’ambition est, si nous leur en donnons les moyens, de former et d’enrichir les petits enfants.
Tâche splendide et qui est une tradition, dans votre commune, fêtée tout à l’heure par cette décoration que j’ai eu l’honneur de remettre à M. Legendre. L’école laïque pourra être confiante dans son avenir tant qu’elle trouvera des serviteurs comme lui, ayant une conception large de leur devoir laborieux, patriotique et civique et sachant préparer leurs élèves par le spectacle de leur propre vie à prendre leur relève et à servir le pays dans les domaines les plus divers.
Mais autant nous réjouissent de pareilles réalisations, autant nous prenons la mesure du chemin qui reste à parcourir : il y a encore trop de communes ne possédant que des écoles vieilles où les élèves sont entassés et la situation va encore empirer dans les prochaines années.
Prolongeons notre effort, ne nous égarons pas ; n’oublions pas ce qui reste à faire, surtout pour la formation physique de la race. »
Et traçant le programme persévérant qu’exigera cet effort pour se muer en réalisations voisines de celle si remarquable d’aujourd’hui, le président du Conseil Général, longuement applaudi, lève son verre aux personnalités présentes et boit à l’avenir de notre France bien-aimée qui sera ce que seront nos enfants.
Les coupes se lèvent et c’est en se groupant au hasard des rencontres ou selon les affinités que l’on commente les évènements d’une après-midi si heureusement remplie et à plus d’un titre si réconfortante.
Parmi les nombreuses personnalités présentes, nous avons noté :
M. P. Mendès-France, président du Conseil Général de l’Eure
M. Cavelier, député
M. De Montulé, sénateur
MM. Martin, Duguay, Damoiseau, conseillers généraux
M. Michel, directeur départemental de la Jeunesse et des Sports, représentant l’inspecteur d’Académie
Le capitaine de gendarmerie Guillot
M. Cardin, ancien sénateur, maire de Prey
Le commandant Gontier, inspecteur départemental des Services d’Incendie
M. Nallet, chef de la subdivision d’Evreux de l’E.D.F.
M. Gaillet, ingénieur du Génie rural
M. Missey, géomètre
M. B. Ducellier, architecte
M. Huet, maire de La-Madeleine-de-Nonancourt
M. Potin, maire de Marcilly-la-Campagne
M. Radigue, maire de Marcilly-sur-Eure
M. Antoine, maire d’Ezy
M. Guicheux, maire de Lignerolles
M. Duval, maire de Mousseaux-Neuville
M. Louis, maire de Coudres
M. Héron, maire adjoint de Coudres
MM. Buchard, Cissey, Derouillac, Dodier, Laine, Le Boudec, Loiseleur, Lozier, Mare, conseillers municipaux de Coudres
Les entrepreneurs,
De nombreux instituteurs du canton,
Etc…